INDE - KERALA


OVER THE RAINBOW.

Fini le désert et les grandes étendues sans croiser âme qui vive ! La différence entre rouler en Oman et rouler en Inde ne pourrait pas être plus grande ! Après la palette monochromatique beige-blanc-sable du Sultanat, nous roulons maintenant dans une avalanche de couleurs ! Le vert omniprésent des palmiers, des cocotiers, des rizières et des canaux des backwaters, le jaune des tuk tuk et des fanions du bord des routes, le rose des saris et des bougainvilliers, le bleu du ciel et de la mer et le rouge des affiches du parti communiste keralai ! 


Changement de décor, on est ici dans l'Inde des tropiques, végétation luxuriante, palmiers, cocotiers, bananiers, temples multicolores et églises au summum du kitsch. On y respire le poisson séché, le piment et le gingembre. On y mange des currys au lait de coco, des dosa et des idli. L'air y est chaud et humide mais salé des embruns des vagues qui s'écrasent le long de la route côtière. 


Bienvenue en Inde du Sud, au pays des épices, des éléphants, des moustiques, des cocotiers, des rizières et des indiens en lungi ! 

On est arrivés dans le sud à Bangalore, Silicon Valley de l'Inde, où l'on retrouve notre ami Ravi, qui nous attend à l'aéroport pour nous aider à charger nos cartons à vélos. Ravi, c'est un indien qu'on a rencontré pour la première fois au Tadjikistan, dans les montagnes du Pamir. Il traversait lui aussi l'Asie centrale, tout seul sur son vélo. Forcément, se rencontrer dans un cadre pareil, ça rapproche. On a donc très vite décidé de passer par chez lui une fois en Inde. Ravi a également voyagé un peu partout dans son pays, à vélo ou à moto. On a donc passé la majeure partie de notre temps chez lui, toutes cartes dépliées à parler itinéraire, NH66 ou SH47 ! Et on a continué notre descente vers le point le plus au sud du sous continent : le cap Comorin, à Kanyakumari plus exactement, où on commence notre traversée de l'Inde du Cap sud jusqu'à l'Himalaya ! 


Traverser l'Inde à vélo ! Un pays, mais plusieurs mondes ! Entre les cocotiers et les backwaters du Kerala, les collines couvertes de jungle du Karnataka, les plages paradisiaques de Goa, les campagnes du Maharashtra, les lagunes salées du Gujarat, les plaines torrides et grillées du Rajasthan et les montagnes enneigées, coiffées des drapeaux de prières bouddhistes de l'Himachal Pradesh ! Notre visa de six mois en poche, on a jusqu'à mi juin pour se frayer un chemin entre les tuk-tuk de mother India ! 

Kanyakumari, le cap sud de l'Inde

Kanyakumari, le cap Sud, où on commence à rouler !
Kanyakumari, le cap Sud, où on commence à rouler !

À Kanyakumari où on remonte les vélos, il n'y a plus que l'océan jusqu'au pôle Sud. Et sur la plage, on peut voir le lever et le coucher du soleil du même endroit. 

On est un peu impressionnés avant de commencer à rouler.. la circulation en Inde est ce qu'on peut appeler anarchique, chaotique, pluridimensionnelle : tout ce qui vit ou qui roule est susceptible de se retrouver sur la route, et en même temps. On nous a dit qu'il fallait être fou ou inconscient pour faire du vélo en Inde.. On pédale un peu et on vous dit ce qui nous correspond le mieux ! 

Pourtant,  sur les petites routes où on avance pour éviter les grands axes, on ne se trouve ni fous ni inconscients. Il y a des tuk-tuk qui klaxonnent, des motos qui nous doublent, des vaches qui traversent, des chiens qui dorment, des gens qui marchent, des vendeurs ambulants qui poussent leur cargaison, des enfants qui vont à l'école et ce qu'il faut de monde à contresens pour rester attentif, mais à aucun moment on ne se sent en danger à cause de la circulation ! C'était sûrement le meilleur endroit où commencer à rouler en Inde.. Quelle douceur le Kerala à vélo ! 


Le Kerala est une des régions les plus riches de l'Inde, et ça se voit ! Les maisons sont en super état, parfois des villas immenses ! Le taux d'alphabétisation est un des plus élevés et les gens parlent très bien anglais. Beaucoup de contraste avec le reste de l'Inde que l'on connaît et vers laquelle on se dirige. 


Janvier, c'est le moment des premières récoltes du riz et pour l'occasion le Tamil Nadu et le Kerala fêtent Pongal, la fête des moissons. Chaque famille dessine devant sa porte de jolis dessins éphémères, à la craie puis agrémentés de poudres colorées ou de fleurs. Magnifique ! Tous les matins, le dessin de la veille est balayé et la famille reprend un nouveau dessin.   

En Inde du Sud on a décidé de se passer de tente et de réchaud. Ici c'est difficile de camper, il y a du monde partout et les rares endroits moins peuplés c'est la jungle.. On la laisse aux bestioles, les grosses comme les petites ! Pour manger c'est pareil, il y a de la bouffe partout ! Pas une petite route de campagne qui n'ait son tea stall et ses tables en plastique, où on te sort des marmites en inox les meilleurs et les plus épicés des currys ! On a laissé tente et réchaud à Delhi. On les récupérera sur la route de l'Himalaya !


Par contre ici les hôtels on n'y dort pas,  on y mange... On a encore du mal à s'y faire mais à part dans les endroits à touristes, ici un hôtel c'est un restaurant. Pour dormir il faut chercher les lodges, les palaces et les résidences ! Par contre, on vous rassure on y paye quand même notre chambre 600 roupies (7€). Et de palace, ça n'en a que le nom ! Tous les soirs on retrouve l'odeur d'humidité, le lit dur, les draps à la propreté douteuse, les murs crasseux, la douche au seau et le ventilo qui brasse à grand bruit de pales rouillées de l'air tiède et humide. 

Un hôtel !
Un hôtel !
Un autre hôtel (plus petit et avec moins de choix, mais souvent encore meilleur !)
Un autre hôtel (plus petit et avec moins de choix, mais souvent encore meilleur !)

Tous les Indiens ne sont pas végétariens. Surtout dans le Sud. On trouve de la nourriture veg, pure veg ou non veg. Veg c'est végétarien, pure veg c'est sans viande et sans œufs, mais avec des produits laitiers (surtout du ghee et du lait). Non veg c'est avec de la viande, mais même chez les non hindous, la vache n'est pas trop au menu ! En Inde, manger de la vache ça ne se fait pas.

La cuisine de l'Inde du Sud est très différente de celle du nord. Ici on mange des "meals" : sur une feuille de bananier, du riz, des currys au lait de coco, des chutneys, des pickles.. On t'amène des seaux ou des carafes de sauce, pour te resservir à ta faim, le riz est aussi à volonté. Et pour manger c'est avec les doigts ! Alors on patouille, on écrabouille, on malaxe, on forme des boulettes de riz sauce, on se lèche les doigts et on se régale ! Au menu aussi : des dosa, grandes crêpes salées croustillantes, des idli, petites galettes de riz vapeur fermenté, des puri, galettes frites et gonflées comme des ballons, des vada, petits beignets de la même forme qu'un bagel et des parathas, galettes de blé blanc (c'est pas réglementaire parce que les parathas ça se mange avec du curry, mais nous on y met du sucre et on mange ça comme des crêpes au sucre ! sous le regard abasourdi des Indiens autour..) 

Pour boire, si t'es bien élevé, tu te verses la rasade. Boire au goulot ou mettre ses lèvres sur le verre, c'est sale. On a bien essayé de faire preuve de bonne volonté mais à chaque fois on s'en fout partout, on boit donc salement... Mais manger avec les mains, ça on est déjà de vrais professionnels ! 

Et le petit-déjeuner, déjà un peu plus hardcore... Un curry bien pimenté qui t'arrache la gueule dès le matin c'est déjà un cran au dessus !
Et le petit-déjeuner, déjà un peu plus hardcore... Un curry bien pimenté qui t'arrache la gueule dès le matin c'est déjà un cran au dessus !

Sous les cocotiers exactement

En Inde, on ne parle pas que l'hindi. Il y a plus de langues parlées qu'il y a d'états dans le pays  ! On aurait aimé apprendre à parler un peu la langue en restant six mois ici.. mais à chaque nouvel état ou région traversés tout est à recommencer, une nouvelle langue, sans rien en commun avec la précédente.. On s'en tient donc à l'anglais ! D'ailleurs deux indiens de deux états différents qui se rencontrent parleront un mélange d'anglais et de mots communs à leurs langues propres. 

Dans le Kerala, la langue parlée est le malayalam. Et en malayalam, "kerala" signifie "cocotier". On a compris pourquoi !

 

Des cocotiers partout, ourlant le long des plages, encadrant les canaux, ombrageant les routes... Et les noix de coco à chaque pause ! On repère le tas, un coup de machette et.. délice ! Chaque jour, l'Inde nous offre son lot de récompenses et de petits plaisirs. Un jus de noix de coco ou de canne à sucre sur le bord de la route, un thali onctueux, délicieux et pimenté, une bonne douche froide chaque soir, et des bières fraîches sans restrictions !


On s'émerveille de la beauté des petites routes, qui sont décorées avec beaucoup de soin. Des guirlandes lumineuses, de fleurs, de fanions, partout, qui encadrent les routes. Souvent des grosses enceintes qui diffusent au choix de la musique ou la messe. Car ici dans le Kerala, beaucoup de gens sont catholiques. Et en Inde, on ne plaisante pas avec la religion ! Les églises sont énormes ! Et décorées façon château féerique de Disney Land ! 


On longe la côte, en passant par des petits villages de pêcheurs ou par des stations balnéaires, Kovalam, Varkala.. Pas de mouettes par ici, sur les plages on voit des aigles et des corbeaux. On ne s'y attarde pas trop, les prix de la bouffe sont multipliés par 5 ! 


Des cocotiers à perte de vue le long des backwaters
Des cocotiers à perte de vue le long des backwaters
Une église et... un mec qui répare un bordel de fils électriques (on espère qu'il croit en Dieu !)
Une église et... un mec qui répare un bordel de fils électriques (on espère qu'il croit en Dieu !)
Une route normale au Kerala
Une route normale au Kerala
Des cocotiers, mais aussi des temples !
Des cocotiers, mais aussi des temples !
Des temples de toutes les couleurs ! Malabar style!
Des temples de toutes les couleurs ! Malabar style!
Coconut mobile !
Coconut mobile !
Street style de l'Inde du sud, en sari pour madame, en lunghi chemise pour monsieur.
Street style de l'Inde du sud, en sari pour madame, en lunghi chemise pour monsieur.
Les gens vendent souvent les façades de leur maison pour quelques roupies contre des peintures publicitaires, mais toujours très colorées !
Les gens vendent souvent les façades de leur maison pour quelques roupies contre des peintures publicitaires, mais toujours très colorées !
Les signes du parti communiste keralais sont partout ! En fait c'est un parti plus proche du socialisme que du communisme, mais le Kerala est en tout cas très impliqué en politique !
Les signes du parti communiste keralais sont partout ! En fait c'est un parti plus proche du socialisme que du communisme, mais le Kerala est en tout cas très impliqué en politique !

À mesure que l'on avance, les backwaters se font de plus en plus nombreux, on serpente entre les canaux. La vie y est douce, on marche pieds nus, des aigrettes blanches s'envolent devant nos roues, on double des papys sur des vélos centenaires qui roulent à grand bruit de ferraille rouillée, on assiste au défilé des barques de pêcheurs et à la remontée des grands filets de pêches chinois. Toute la vie de l'Inde du sud au bord des canaux et des toutes petites routes.

Pour arriver à Allepey, on finit en bateau ! On change de point de vue et on glisse lentement sur ces eaux vertes perdues dans la végétation. 

On finit en bateau jusqu'à Allepey !
On finit en bateau jusqu'à Allepey !

Où l'on reprend un peu de hauteur

Les palmiers et les plages c'est bien cool, mais on crève de chaud ! Arrivés à Kochi, on décide de faire un petit détour vers l'est pour grimper dans les montagnes des Ghats occidentaux et retrouver un peu de fraîcheur. On se fait les pattes pour monter dans la région de Munnar, la vallée des thés. Ça tire sur les cuisses, mais il y fait plus frais, on met un pull le soir et on souffre un peu moins la journée. Mais la route grimpe et grimpe encore... La région est superbe, des plantations de thé d'un vert éclatant, à perte de vue, sur les flancs vallonnés des collines. Munnar est une toute petite station climatique, perchée à 1600m d'altitude. 

Marché de Munnar
Marché de Munnar
Du thé à perte de vue !
Du thé à perte de vue !
Ça grimpe !
Ça grimpe !
Cueilleuses de thé rencontrées sur le bord de la route
Cueilleuses de thé rencontrées sur le bord de la route

On redescend ensuite en direction de Coimbatore, et récompense : une superbe descente nous attend ! Des paysages impressionnants : aux vallées de thé proprement cultivées se succèdent les montagnes du Nilgiri, couvertes d'une jungle dense ! Et l'impression d'avoir changé de monde ! Presque plus de trafic et seulement le cri des animaux qui retentit des arbres et de la forêt 

Tamil Nadu et Karnataka droit devant nous ! (les montagnes et la jungle, oui c'est le programme des prochaines semaines !)
Tamil Nadu et Karnataka droit devant nous ! (les montagnes et la jungle, oui c'est le programme des prochaines semaines !)

À la fin de la descente on arrive, sans trop avoir prévu le coup, aux portes du Parc national Anamalai Tiger Reserve, anciennement nommé Indira Gandhi, à cheval sur le Kerala et le Tamil Nadu. Unique route que l'on peut traverser à ce moment là, et en plein dans la réserve. Les mecs de la sécurité refusent catégoriquement de nous laisser y entrer à vélo, pour notre sécurité disent-ils, qu'on peut se faire attaquer par un éléphant ou un tigre. Nous on leur rit au nez, bien sûr, des tigres et des éléphants qui vont venir nous attaquer ! Sauf qu'ils ne veulent quand même pas nous laisser passer, alors on insiste, : on va rouler à 25km/h et sans jamais s'arrêter et il n'y a a plus que 20km de route ! Au bout d'un petit moment, ils finissent par céder, d'un signe de main excédé. En roulant on se rassure un peu, nan mais ils ont juste voulu nous faire peur.. Mais quand même, on ne fait pas trop les fiers sur nos vélos, ici, c'est la jungle. Sur des kilomètres. On ne voit pas d'animaux mais on sait qu'ils sont là. Alors, on roule quand même le plus vite possible, sans s'arrêter. Une fois sortis et arrivés entiers à la première guesthouse que l'on trouve, on se renseigne un peu. Ah il y a plein d'éléphants dans ce parc, ah la moitié de la population mondiale de tigres vit en Inde, ah une personne meurt par jour en Inde à cause d'un tigre ou d'un éléphant sauvage... Bon, on est contents de n'avoir vu que des singes et des phacochères alors !! 


Sortis de la réserve, nous voilà entrés dans le Tamil Nadu, et par la grande porte ! Au programme des prochaines semaines, encore plusieurs réserves à traverser dans la jungle ! Des montagnes, des forêts sur des kilomètres et plein de bestioles qui vont avec ! 


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